+ You are not alone +
« Caleb, arrête de stresser. » me dit ma petite amie alors que nous nous trouvons devant l'université oùje dois passer mon dernier examen pour valider mon année.
« J'vois pas de quoi tu parles. » Je répond en haussant les épaules avant de jeter un vague coup d'oeil derrière moi où des étudiants attendent de rentrer dans la salle. Je n'ai aucune envie d'y aller et à vrai dire, mes études ne m'ont jamais intéressé mais c'est le choix de mes parents et maintenant que j'y suis, autant continuer dans ce domaine.
« Tu passes ta main dans tes cheveux toutes les cinq secondes et tu fais ton clignement bizarre des yeux. » ajoute-t-elle avec un sourire et elle approche son visage du mien avant de déposer un léger baiser sur mes lèvres.
« C'est pour t'encourager. Maintenant, tu te dépêches d'y aller ! » Elle me donne une légère tape sur le bras et je hoche la tête.
« A tout à l'heure. » lui dis-je, puis je me décide enfin à rentrer dans la salle d'examen. Mais lorsque deux heures plus tard je sors, elle n'est pas devant l'université. Je ne m'inquiète pas plus que cela en sachant qu'elle est tout le temps en retard et attend... pour ne jamais la voir revenir ni répondre à mes messages. C'est après deux heures à poiroter (oui, on peut dire que j'ai de la patience) que je rentre chez moi où je tente une autre fois de l'appeler pour tomber directement sur sa messagerie. Il faut avouer que je m'inquiète assez facilement et je décide d'envoyer des messages à nos amis en commun, mais ils me répondent qu'ils n'ont pas de nouvelle non plus. Je sais que je ne devrais pas m'inquiéter autant mais... c'est dans ma nature, surtout lorsque cela touche les personnes qui me sont proches. En sachant que ses parents ne me supportent pas et me l'ont toujours bien montré, je décide de les appeler plutôt que d'aller directement chez eux. Ces derniers me disent alors qu'elle leur a dit qu'elle passait la soirée avec moi et qu'elle ne rentrerait pas avant demain et là, je commence réellement à paniquer. Ce n'est pas son genre de ne pas prévenir lorsqu'elle ne peut pas venir quelque part... Et comme à chaque fois que je panique, je me remémore nos moments passés ensembles pour savoir si j'ai fait quelque de travers mais pour une fois, je ne vois pas quoi. Ce n'est que le lendemain que ses parents décident de signaler la disparition et je décide d'y aller pour expliquer pourquoi cette disparition est inquiétante et les habitudes de ma petite amie. L'agent de police qui s'occupe de moi me dit qu'une enquête va être ouverte, qu'il va faire de son mieux tout en me précisant les droits de la personne disparue, comme quoi si elle est localisée, elle a le droit de refuser tout contact avec ses proches. Mais je refuse de croire qu'elle est partie sans me prévenir. Puis les jours passent. Chaque jour, je vais dans les endroits où nous aimions aller tous les deux ou avec nos amis dans l'espoir de la voir. Sans succès. Je l'appelle. Toujours rien. C'est deux semaines plus tard que j'apprends que les parents de ma petite amie me suspectent de l'avoir fait disparaître. Et naïvement, je crois que les choses vont s'arranger, que personne ne vont les croire. Oh, comme je me suis trompé.
+ Don't ever say goodbye +
Cela fait près de deux mois que ma petite amie a disparu et que personne n'a de nouvelle. Pas un seul jour ne se passe où je ne lui téléphone pas alors qu'à chaque fois, je tombe directement sur la messagerie. Je ne sais pas pourquoi je m'obstine autant, pourquoi je continue d'espérer d'avoir cette chance de la revoir un jour... Mais rester sans réponse à mes questions est tout simplement insupportable. Où est-elle ? Que fait-elle ? Est-elle seulement encore vivante ? Un frisson parcourt mon corps dés que j'ai cette pensée, cette pensée d'elle morte. Heureusement, mon téléphone qui sonne coupe court à cela et quand je vois le prénom d'un ami s'afficher sur l'écran, je soupire avant de me lever de mon lit pour me rendre jusqu'à la voiture de ce dernier qui m'attend devant chez moi. Pour la première fois depuis deux mois, j'accepte de sortir, d'aller à une de ces stupides fêtes qui ne m'ont jamais attiré. Le trajet en voiture se passe plutôt bien, nous parlons de tout et de rien, mais il y a quelque chose qui a changé entre nous depuis ce qui s'est passé. Mais je suis incapable de mettre des mots là-dessus pour l'instant. Dés que j'entre dans la maison où se déroule la fête, je remarque qu'il n'y a que des étudiants de ma promo, donc uniquement des personnes que je connais. Et si certains d'entre eux me répondent quand je les salue, la majorité d'entre eux m'évite.
« Ne me dis pas que certains croient encore les rumeurs comme quoi je l'ai assassiné ? » Je lance ces quelques mots d'un ton ironique à celui qui m'accompagne, sans même oser prononcer le nom de ma petite amie. Je ne sais pas comment j'arrive à faire du sarcasme sur ce sujet-là mais c'est le seul moyen que j'ai pour ne pas perdre pieds et il vaut mieux rire de ces rumeurs que d'en pleurer.
« Ignore-les. » me répond-il simplement et il a raison, c'est ce que je devrais faire... Mais c'est compliqué alors qu'à quelques mètres de moi, il y a mon meilleur ami qui m'évite depuis près d'un mois maintenant. La soirée se passe plutôt... bien. Enfin, si je dois être sincère, c'est une catastrophe pour moi et je me demande ce que je fais encore là. Debout dans un coin de la pièce, un verre non alcoolisé dans la main, j'attends... Attendre quoi, au juste ? Bonne question. Je ne suis pas à ma place ici et je n'ai qu'une seule envie : partir même si cela signifie marcher pendant deux heures pour rentrer chez moi. Alors c'est ce que je décide de faire, peu après une heure du matin. N'ayant aucune idée d'où est mon ami, je me contente de lui envoyer un message pour le prévenir que je rentre.
« Caleb... » Mes doigts sur l'écran de mon portable se figent quand je reconnais cette voix. Mon meilleur ami. Je me retourne pour lui faire face et il s'avance vers moi.
« Tu n'aurais jamais dû venir ici, tu l'sais ? » me demande-t-il et je ne peux m'empêcher de lever les yeux au ciel avant de répliquer :
« C'est vraiment attentionné de ta part de me le dire maintenant, j'apprécie le geste. ». Un silence s'installe entre nous et je devine que mon meilleur ami a sûrement abusé de la boisson pour oser m'adresser la parole comme si de rien n'était.
« Tu sais ce qu'ils disent tous sur toi, hein ? T'es pas con, Caleb. Alors pourquoi tu t'es ramené comme si de rien n'était ? » enchaîne-t-il et je me demande s'il se rend compte à quel point cela me blesse ce qu'il est en train de me dire.
« Alors tu les crois ? » Je lui demande à mon tour, en sachant très bien la réponse.
« Tu la connaissais mieux que personne, mec. Tu... savais très bien comment faire pour... pour trouver un endroit où personne ne la trouverait. Même ses parents... » Il ne continue même pas sa phrase, peut-être parce qu'il lit la déception sur mon visage ou tout simplement parce qu'il est totalement bourré. Les parents de ma petite amie m'ont accusé de cette disparition, ce n'est un secret pour personne. Pour cette même raison, d'ailleurs. Parce qu'on se connaît depuis que nous sommes enfants, qu'avant d'être ensembles, nous étions meilleurs amis. Et aussi car à leurs yeux, je n'ai jamais mérité leur fille.
« J'étais fou amoureux d'elle. » dis-je alors tout en tentant vainement de garder la colère qui me submerge en moi. Cela fait deux mois que je ne dis rien, deux mois que je vois mes amis, et même ma propre famille me tourner le dos. Deux foutus moi où j'ai tout gardé pour moi, où j'ai encaissé mais là, c'est le coup de trop.
« Est-ce que tu crois que je lui téléphonerai tous les jours dans l'espoir d'entendre de nouveau sa voix si c'était moi qui avais fait ça ? Est-ce que tu me crois capable d'une telle chose depuis le temps qu'on se connaît ? Elle me manque, elle me manque putain ! Je n'aurais jamais pu lui faire du mal ! J'ai besoin d'elle, ok ? » Je n'ai aucune idée de quoi je lui balance toutes ces choses là alors qu'il ne me croit pas et je ne cherche pas à ce qu'il le fasse. Peut-être que je craque de m'être tût durant trop de temps. Après quelques secondes de silence, celui que je considérais comme mon meilleur ami se décide de prendre la parole :
« Tu dois partir. ». Un rire nerveux passe la barrière de mes lèvres alors que les larmes me montent aux yeux mais je refuse de lui montrer à quel point cette situation me fait du mal.
« Ouais... » Je murmure tout en m'éloignant de quelques pas en arrière.
« Tu n'auras plus à me revoir, ne t'inquiètes pas. » Et sans un regard ni un mot de plus, je quitte définitivement le jardin de la maison.
+ happy, now ? +
« Alors, prêt pour le déménagement ? » me lance ma grande sœur en entrant dans ma chambre. Enfin, ce qui va bientôt être mon ancienne chambre... Je quitte Portland pour Seattle afin d'aller vivre avec ma sœur. Elle me l'a proposé d'elle-même alors que je ne lui ai jamais rien dit par rapport à ce qui s'est passé dans ma ville natale, que ce soit avec mes amis, la famille de ma petite amie et même la mienne. A cause de cette histoire, j'ai arrêté d'aller à l'université où j'étudie le droit. J'ai du mal à vraiment me rendre compte de tout ce qui s'est passé en peu de temps... En fait, il a suffit de quelques mois à peine pour que tout soit chamboulé. Inutile de préciser que je ne sais toujours pas où est ma petite amie et il ne se passe pas un seul jour sans que je n'y pense pas. Peut-être que m'éloigner de Portland va m'aider à passer à autre chose... Car je sais que je ne l'oublierai jamais mais je ne peux pas vivre constamment dans le passé.
« Attends Cal'... Tu n'as toujours pas fait tes affaires ? » ajoute-t-elle en voyant qu'il n'y a que mon sac-à-dos de rempli sur le lit.
« Je n'ai pas besoin de toutes ces... choses. » Je réponds d'un air distrait et je vois le regard de ma sœur se poser sur le meuble derrière moi, où se trouve des cadres avec des photos de ce que j'appelle à présent ma vie passée.
« Je vois... » murmure-t-elle avant de retrouver son sourire comme si de rien n'était.
« Bon, on peut y aller alors ? » Je hoche la tête à sa question avant de prendre mon sac et de descendre les escaliers à sa suite. En bas, nos parents nous attendent et je ne peux m'empêcher de leur lancer d'un ton sarcastique :
« Faîtes au moins semblant d'être triste de me voir partir. ». Je sais qu'ils sont soulagés, qu'ils attendent cela depuis les accusations à tort simplement pour sauver leur réputation. Mes propres parents me pensent capable d'un acte atroce... Ca me donne plus envie de rire qu'autre chose. Mais cela ne m'étonne pas en même temps, je ne me suis jamais vraiment entendu avec eux et ma sœur non plus. Depuis notre enfance, ils cherchent à nous façonner à leurs manières et malheureusement, nous ne deviendrons pas des personnes influentes comme eux, nous ne participerons jamais à des galas ou ce genre de connerie de bourge. Quoi qu'avec moi, ils ont failli y arriver en me forçant à faire des études de droit dans le simple but que je devienne un avocat. Encore une fois, simplement pour leur réputation.
« Cal'. » me souffle ma sœur avant de me donner une légère tape sur l'épaule.
« Bon, Seattle nous attend maintenant. » C'est sa manière à elle de dire au revoir à nos parents parce que nous savons très bien que nous ne sommes pas prêts de les revoir.
« Prenez soin de vous. » dit soudainement mon père alors que ma mère reste en retrait, le visage froid comme à son habitude.
« Ne t'inquiètes pas pour nous. » répond ma sœur avec un sourire. Et enfin, je suis dans sa voiture direction Seattle sans savoir où tout cela va me mener. Mais alors qu'on roule depuis déjà une demi-heure, je remarque que... je n'ai pas pris mon sac. Et merde.
« Euh... Tu sais quand je t'ai dit que je n'avais pas besoin de prendre grand chose ? » Ma sœur me jette un regard interrogateur avant d'observer de nouveau la route tout en conduisant.
« En fait... J'ai oublié mon sac donc il va falloir faire demi-tour. » dis-je de mon ton le plus innocent possible. Pendant quelques secondes, ma sœur ne réagit pas et quand elle fait cela, c'est mauvais signe.
« Je vais te tuer, Caleb. » annonce-t-elle avec un calme déconcertant. Et je comprends que le trajet jusqu'à Seattle risque d'être long. Très long.